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Page:Monselet - Charles Monselet, sa vie, son œuvre, 1892.djvu/278

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SA VIE, SON ŒUVRE

cette ligne : il n’aurait mangé personne, à quelque sauce que ce fût.

» Le principal mérite de Grimod de La Reynière, et celui qui lui constitue des titres souverains à notre reconnaissance, est d’avoir été le journaliste de la cuisine. Ses huit années de l’Almanach des Gourmands représentent huit années de luttes. Il a du journaliste la plupart des défauts inévitables, les complaisances, les injustices, les jugements improvisés ; mais on ne saurait lui dénier l’ardeur, le dévouement et cette foi qui soulève les pâtés. On peut dire de lui qu’il a fait marcher les fourneaux après les avoir sauvés peut-être du grand naufrage de la Révolution. Dans tous les cas, il a été le chaînon qui relie le passe à l’avenir.

» L’autre, Brillat-Savarin, est plus particulièrement le législateur. Il y a du Boileau en lui. Il s’échauffe pourtant quelquefois. Son « Et vous verrez merveilles ! » est demeuré célèbre. La Physiologie du goût a eu de nombreuses éditions, mais non précipitées : son succès s’est fait lentement et sûrement. Aujourd’hui, c’est ce qu’on appelle un ouvrage de bibliothèque. »


Ce que Monselet lit pour les ressuscités d’une époque disparue, il ne pouvait s’empêcher de le faire pour les oubliés de notre époque. — Il mit en lumière Claude Tillier, l’auteur de Mon Oncle Benjamin[1]. Claude Tillier, enfant du peuple, journaliste à Nevers.

« … Ce fut une existence à la Rousseau et à la Goldsmith que l’existence de Claude Tillier. Né à Clamecy en 1801, d’un père serrurier ; boursier au lycée impérial de Bourges, soldat pendant six ans, professeur dans une pension, instituteur communal, il ne commença à écrire que vers 1830. Il rédigea un journal d’opposition à Clamecy, puis un autre à Nevers ; et, lorsque ce dernier eut cessé de paraître, il lit des brochures,

  1. Mon oncle Benjamin. Paris, 1881, Conquet.