et successivement chaque membre ; après quoi on se traîne, comme à la nage, vers une partie élevée. Les animaux, soit instinct, soit expérience, emploient ce moyen méthodique pour sortir des lettes.
C’étaient ces perfides cloaques que Péché voulait éviter ; il s’arrêtait de temps en temps pour interroger le terrain avec son pied. Philippe Beyle le suivait, d’un air redevenu insouciant. Irénée de Trémeleu et M. Blanchard venaient les derniers, à distance, et d’entretenant à mi-voix.
Irénée paraissait plus sombre que de coutume.
— Savez-vous, lui dit M. Blanchard, que vous n’avez absolument rien des allures dégagées et brillantes des duellistes du beau temps ?
— C’est vrai, répondit-il en essayant de sourire ; il faut que la maussaderie de ce paysage ait déteint sur mon esprit. Moi-même je ne me reconnais plus.
— Combien de fois vous êtes-vous battu ?
— Trois fois, dans trois ans.
— Est-ce que chaque fois vous aviez votre figure d’aujourd’hui ?
— Non. J’étais plutôt gai que triste ; mon sang circulait avec une vivacité charmante ; sur la route, je trouvais tout beau, tout attrayant ; tandis qu’aujourd’hui…
— Eh bien, aujourd’hui ?
— Ah ! ce n’est plus cela, mon cher monsieur Blanchard ; comme autrefois encore, ma main est calme, certainement, mais tâtez-la, elle est brûlante et lourde. J’ai un voile sur les yeux ; en revanche, je n’en ai plus sur la pensée ; j’y vois clair, effrayamment clair !
— Diable ! c’est ce que nous appelions des pressentiments.
— Oui, des pressentiments, dit Irénée.
— Il faut faire attention à cela ; il y a plusieurs remèdes aux pressentiments ; par exemple, clouez-vous un air de chanson dans la tête et ne cessez pas de le fredonner.
— Inutile, dit Irénée.