Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/190

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— Réfléchis bien ; c’est la dernière fois que je te supplie, c’est un dernier effort que je tente pour te sauver.

— Effort inutile !

— Mais ton abandon… ta pauvreté ?

— Mon abandon, c’est moi qui l’ai fait, c’est moi qui l’ai voulu. Ma pauvreté, elle ne durera pas.

— Elle durera !

Philippe sourit d’un air de défi.

— Prends garde, Philippe ! dit Marianna devenue froide et sévère ; prends garde ! je peux t’abaisser encore davantage ; je peux te faire descendre un degré de plus dans le néant parisien.

Il la regarda avec stupeur ; et, secouant la tête, après un moment de silence :

— Vous souffrez, Marianna, et il ne m’est possible que de vous plaindre, dit-il.

— Tu ne me crois pas ?

— La puissance des femmes m’a toujours trouvé incrédule. Je ne leur refuse pas la résolution, mais il leur manque la persévérance. Un rien, un caprice, un brin d’étoffe suffisent pour les détourner de leurs desseins les mieux calculés ; ce sont des oiseaux qui coupent court dans leur vol et virent selon le vent ou selon les arêtes du paysage. Les hommes ont des passions, les femmes n’ont que des fièvres. En conséquence, il ne faut pas les considérer ni comme trop dangereuses, ni comme trop propices. Quant à leurs projets, ils n’ont et ne peuvent avoir qu’une durée relative, intermittente. Donc, les femmes ne sont à craindre tout au plus que comme accidents ; et par les mêmes motifs, elles ne sont bonnes à employer que comme instruments immédiats. Telle est ma théorie.

— Ta théorie a reçu bien des démentis depuis deux ans.

— Comment cela ?

— Sais-tu quel est l’auteur de tous tes revers, de tous tes échecs ?

— Parbleu ! c’est le hasard, dit Philippe.

— Non, c’est moi, dit Marianna.

Philippe marcha dans la chambre, sans paraître avoir entendu.