— C’est moi, te dis-je ! reprit-elle ; et je vais t’en donner les preuves. C’est moi qui t’ai calomnié pour t’empêcher d’arriver ; c’est par moi que Mme L…, la femme du conseiller d’État, t’a dénoncé à son mari.
Philippe cessa de marcher.
— C’est moi, continua-t-elle, qui ai jeté Pandore sur tes pas ; Pandore qui t’a bafoué, vendu, dévoré miette à miette, jour pour jour.
— La misérable ! murmura-t-il.
— C’est moi qui ai fait manquer ton rendez-vous avec le ministre, le jour où tu ne t’es réveillé qu’à midi.
— Marianna !
— C’est moi qui ai donné ton aux journaux, en m’introduisant dans l’imprimerie.
— Oh ! dit Philippe en pâlissant.
— C’est moi qui ai livré une copie de tes plans et de tes mémoires.
— Dis-tu vrai ? s’écria-t-il en la saisissant par le poignet.
— C’est moi enfin qui, patiemment, ai ourdi cette toile sombre où tu te débats sans espoir et sans avenir, entends-tu, Philippe ?
— Tu mens ! tu mens !
— Ah ! tu doutes des femmes, tu nies leur pouvoir. Regarde donc à ton tour : ce sont les femmes qui t’ont mis où tu es. Tu leur refuses la persistance ; ai-je assez persisté, moi ?
— Tu es folle ! reprit Philippe, luttant contre sa colère ; et cependant ce que tu dis est étrange… c’est comme une révélation… Toi, toi, l’auteur de ma ruine ?
— Oui !
— Mais tes moyens, quels sont-ils ?
Marianna se prit à rire ironiquement. Il ne lui avait pas lâché le poignet.
— Tu vois bien, dit-il, que tu railles et que tu mens !
— Je te répète que tu es sous les pieds des femmes… sous mes pieds !
— C’est faux ! c’est impossible !… Terrassé par des femmes ?…
— Oui ! oui ! et par moi !
— Allons donc !