Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/216

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Elle avait cette divine parure blanche des jeunes filles qui les enveloppe comme d’une nuée ; le marbre de ses épaules luisait sous la gazer ordonnée par la sévérité maternelle ; les lis de ses bras éclataient pour la première fois. Sa tête, balancée sans embarras, exposait, renversés et roulés en puissantes torsades, ses cheveux du noir le plus hardi. Il se pouvait qu’Amélie ignorât sa beauté, mais elle la portait avec cette sûreté de race qui veut un palais pour théâtre ; elle la portait royalement — car cet adverbe est celui qui peint le mieux — sans perdre une seule de ses grâces de jeune fille, c’est-à-dire la modestie, le calme et le sourire.

L’admiration rendit Philippe immobile pendant quelques instants. C’était la deuxième fois que la fille du comte d’Ingrande le charmait, et à des titres bien différents : aujourd’hui par l’éclat, hier par la simplicité. Il manœuvra pour se rencontrer avec Amélie. Elle le reconnut, lorsqu’il fut à quelques pas d’elle. Ses beaux yeux se baissèrent, et elle rougit plus vivement que ne le comporte une impression de surprise. Au même instant, Philippe sentit plutôt qu’il ne le vit le regard de la comtesse tomber sur lui et s’arrêter. Il s’inclina profondément. Mais la comtesse ne répondit point à son salut. Pourtant, elle n’avait pas cessé de l’examiner. Une intention aussi injurieusement soulignée ne pouvait échapper à Philippe Beyle. Elle n’échappa point non plus à Amélie, chez qui la rougeur fit soudainement place à une pâleur douloureuse.

— Diable ! murmura Philippe en tournant bride, je n’ai pas les sympathies de la mère.

La foule était nombreuse. À chaque minute, il était reconnu par quelqu’un et pris affectueusement sous le bras. Son crédit remonta beaucoup dans cette soirée.

À travers la houle du bal, il ne lui était guère possible de s’attacher aux pas d’Amélie. De temps en temps, de loin en loin, il la voyait se détacher sur le vide ouvert par un quadrille,