Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/217

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

puis rentrer et disparaître dans le flot tournoyant des robes.

— S’il était là, que son père serait heureux ! pensait Philippe.

Deux heures se passèrent à cette contemplation malaisée et souvent interrompue. Il songea à se retirer. Depuis quelques moments d’ailleurs Mlle d’Ingrande se dérobait à ses recherches ; il supposa qu’elle était partie. En traversant une pièce qui reliait le salon principal aux antichambres, il se trouva face à face avec elle. La jeune fille poussa un demi-cri. Peu de monde passait alors.

— Oh ! monsieur, dit-elle à Philippe avec un accent qui lui alla jusqu’au cœur ; excusez ma mère, je vous en prie… Croyez bien qu’elle ne vous a pas reconnu.

— Vous êtes trop bonne mille fois, mademoiselle, répondit-il ; mais madame la comtesse n’a pas besoin de justification ; qui suis-je à ses yeux, en effet ? qui suis-je aux vôtres ?

Ces derniers mots furent prononcés sur un ton plus bas et presque tremblant.

— Vous êtes l’ami de mon père ! reprit Amélie en levant sur lui un regard brillant qui semblait l’inviter à la fierté ; et mon père sait place dignement ses amitiés, j’en suis sûre.

— Merci ! s’écria Philippe transporté par la noblesse de la jeune fille ; vos paroles m’auraient guéri si j’eusse été blessé ; mais de votre mère je souffrirai tout sans jamais me plaindre.

— Vous souffrirez peut-être plus que vous ne croyez, dit-elle avec un craintif sourire.

— Qu’importe ! dit Philippe ; est-ce que je n’emporte pas dès aujourd’hui un remède infaillible pour toutes mes souffrances ?

— Quoi donc ? demanda-t-elle inquiète.

— La vision de cet instant et le souvenir de votre admirable sollicitude, dit Philippe Beyle.

L’arrivée de quelques personnes les sépara. Le sein d’Amélie s’était soulevé aux dernières paroles du jeune homme. Elle se sentit presque heureuse de pouvoir le quitter. Mais, auparavant, elle lui envoya un de ces regards par où le cœur s’élance tout entier, et qui ont la valeur d’un engagement.