Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/253

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— Mon but ? Ah ! un but impossible à atteindre ! répondit-elle en soupirant ; je voulais ne plus vivre que pour Irénée.

— Irénée ! dit la marquise avec une cruelle appréhension.

— C’est son deuil que je porte.

— Oh ! le malheur partout ! s’écria Mme de Pressigny ; vous êtes une fatale messagère, madame.

— Il est bien mort, lui ! reprit Marianna sans l’entendre et comme attendrie par ce souvenir.

— Pauvre enfant !

— Ses souffrances ont été affreuses, son agonie a été déchirante ; il est mort comme il a vécu, en martyr. Ah ! son sang crie vengeance aussi !

— Vengeance ? répéta la marquise en attachant sur elle un regard plein d’anxiété.

Il n’en fallut pas davantage à ces deux femmes pour se comprendre.

— Oui, madame, vengeance ! continua Marianna ; c’est le seul sentiment qui domine en moi. Je m’étais trompée en croyant pouvoir faire de ma vie un sacrifice à Irénée ; ma vie appartenait tout entière à la haine, et c’est à la haine que je viens la restituer aujourd’hui.

— Que voulez-vous dire ?

— Madame la marquise, laissez-là les détours ; vous savez pourquoi je suis venue… et surtout pour qui je suis venue.

La marquise demeura muette.

— Il y a trois ans environ, reprit Marianna, que la destinée de M. Philippe Beyle m’a été accordée par l’association.

— C’est vrai.

— En revenant à Paris, je m’attendais à le trouver écrasé sous le poids de votre justice. Je me surprenais déjà à intercéder, non pour qu’on lui fît grâce, mais pour qu’on ralentit son supplice. J’arrive : je le vois heureux, comblé d’honneurs, ivre d’orgueil. Qui a changé son sort ? une femme, vous !

— Mon excuse est dans ma bonne foi, madame, dit la marquise de Pressigny ; il est écrit dans nos statuts : « La mort