— Norma, dit Philippe.
— Vous savez, monsieur Beyle, que les cantatrices sont peu demandées à Saint-Pétersbourg. Pour être agréées par l’empereur Nicolas, il faut qu’elles soient précédées d’une réputation européenne.
— Celle dont je vous parle satisfait à cette condition.
— Fort bien ; veuillez me la nommer, et j’en parlerai tout prochainement à Guédéonoff.
— Vous la connaissez comme moi ; c’est la Marianna.
M. Blanchard recula de quelques pas.
— La Marianna, s’écria-t-il ; c’est la Marianna que vous voulez recommander…
— À la Russie, s’empressa d’ajouter Philippe.
— J’entends. C’est impossible.
— Pourquoi ?
— Pour deux raisons, au moins.
— La première ?
— La première… mais il n’y a vraiment que vous pour ignorer ce qui est connu et archi-connu dans le monde musical… la première, c’est que depuis plusieurs années Marianna a perdu sa voix.
— Elle l’a retrouvée ! s’écria Philippe.
— Allons donc !
— Plus puissante et plus admirable que jamais, je vous le déclare.
— Vous l’avez entendue ?
— Oui… oui… murmura Philippe avec un sourire amer, provoqué par le souvenir de sa messe de mariage.
— C’est extraordinaire !
— Dans ce cas, vous devez comprendre combien le moment est heureux pour remettre la Marianna en lumière.
— Je l’avoue.
— Pour la faire remonter sur ce piédestal où personne encore ne l’a remplacée.
— Personne, c’est vrai. Mais, mon cher monsieur Beyle, je vois que vous n’êtes instruit qu’à moitié de la nouvelle situation