Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/321

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vastes trottoirs, et ne s’arrête qu’à la barrière du Maine, pour prendre le nom de boulevard Montparnasse et monter vers les régions paisibles de l’Observatoire. En son chemin, il longe successivement un assez grand nombre d’établissements religieux, qui contribuent à lui donner cet aspect exceptionnel et grandiose, entretenu par le souvenir de Louis XIV. C’est d’abord, à gauche, l’archevêché, silencieux et confortable palais ; ensuite, le couvent du Sacré-Cœur, qui occupe un emplacement immense, protégé par un mur au-dessus duquel on voit se balancer les branches d’un parc vraiment royal ; la religion, la science et la poésie bercent sous ces charmilles les gracieuses titulaires des plus belles dots de France. Puis, voici l’asile plus modeste des Frères de la Doctrine chrétienne, dont il n’est pas rare de rencontrer les noires phalanges se dirigeant, lentes et recueillies, vers les campagnes d’Issy.

À la hauteur de la rue de Sèvres, on passe devant l’institution des Jeunes-Aveugles, renommée aux alentours par l’effervescence de ses essais musicaux. Plus loin est la maison dit des Oiseaux, qui tient le milieu entre le couvent et le pensionnat, entre la religion et le monde, et qui est à peu près au Sacré-Cœur ce que la finance est à la noblesse.

Si l’on parcourt le boulevard des Invalides le dimanche, à l’heure des offices, on est sûr d’entendre pendant une demi-heure un concert de voix pieuse et argentines. Les sons de l’orgue s’élèvent au-dessus des jardins ; des notes de plain-chant traversent les airs et viennent expirer sur la chaussée. Le côté droit du boulevard est la partie déserte ; les murailles de l’hôtel des Invalides, des nombreux chantiers de bois ; çà et là un pavillon couvert d’ardoises, ou bien une petite maison composée d’un rez-de-chaussée et d’une mansarde, repaire abandonné de quelques fermier général libertin ; nous ne croyons pas qu’on puisse y voir autre chose.

Les mœurs de ce faubourg sont inconnues principalement de ceux qui l’habitent ; ce sont pour la plupart des employés de ministères, des rentiers modestes, gens peu observateurs de leur nature, n’estimant la promenade qu’au point de vue de l’hygiène, et ne craignant rien tant que de se trouver attardés sur la voie publique. Aussi, si la vie de famille ou plutôt l’amour du