Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/35

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— Est-il riche ?

— Suffisamment.

— Son âge ?

— Quarante ou quarante-cinq ans. Beaucoup d’esprit, d’ailleurs. À l’hôtel des bains, c’est à qui recherchera sa conversation.

— Mais… ce nom de Blanchard ? dit Mme d’Ingrande.

— Encore une de ses fantaisies. Ce nom n’est pas le sien, c’est un pseudonyme imaginé pour dérouter les curieux.

— Vraiment ?

— Mme Blanchard appartient à l’une des plus anciennes familles nobles de l’Agenais. Jeune, il a été dans les gardes du corps. Mais, comme l’ambition est toujours demeurée pour lui à l’état de passion inconnue, un matin il a jeté l’uniforme aux orties pour voyager mieux à son aise. On affirme qu’il est resté huit jours à se demander s’il s’appellerait Blanchard, Moreau ou Duval. Enfin, Blanchard l’a emporté. S’il existait dans le monde un nom plus insignifiant et plus commun, soyez assurée que c’est celui-là qu’il aurait choisi.

— Allons, murmura Mme d’Ingrande, je vois, d’après ce que vous me dites, que c’est un homme inoffensif.

— Assurément. Mais à mon tour, madame, me sera-t-il permis de vous demander quels rapports peuvent exister entre vous et M. Blanchard ?

— C’est la chose la plus singulière du monde. Figurez-vous, Irénée, que ce monsieur a entrepris le siège de notre salon.

— En vérité ?

— Voilà trois jours qu’il nous fait remettre sa carte avec une obstination inqualifiable.

— Prenez garde, madame ; M. Blanchard arrive toujours à son but.

— Ah ! mon Dieu ! dit la comtesse en badinant, est-ce qu’il disposerait, lui aussi, de quelque puissance mystérieuse ?

— Il est persistant ; voilà tout.

— Eh bien, malgré sa persistance, je vous réponds bien, moi, qu’il ne mettra jamais les pieds ici !

— Ne répondez de rien.