Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/421

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portait le n° 10. Sous les arcades d’une vaste cour se promenaient une trentaine d’individus, fort paisibles en apparence, ainsi que le directeur les lui avait signalés. Les autres, composant la division, étaient réunis dans la salle publique où ils lisaient, jouaient, fumaient, selon leurs diverses aptitudes. M. Blanchard qui, au premier moment, avait ressenti une vive répugnance et une certaine tristesse, vit s’évanouir par degrés ses appréhensions ; rien ne semblait indiquer jusqu’à présent qu’il fût dans une maison d’aliénés.

L’infirmier Chavet le conduisit à sa chambre ; elle était presque luxueuse : tapis, calorifère, et point de vue d’un prix inestimable.

— Si monsieur s’habitue à la maison, hasarda l’infirmier, monsieur aura le loisir de payer un domestique qui lui sera exclusivement attaché et qui couchera dans une chambre voisine de la sienne.

— Ah ! ah ! murmura M. Blanchard.

— Nous avons plusieurs pensionnaires qui ont des valets de chambre ; entre autres, le colonel.

— Qu’est-ce que c’est que le colonel ?

— C’est celui à côté de qui monsieur dînera ce soir… un bien brave homme… seulement je préviendrai monsieur de ne pas trop faire attention à sa manie.

— Quelle est donc sa manie ?

— Il se croit empaillé, répondit l’infirmier.

— Je ne le contrarierai pas.

— Monsieur a-t-il quelque chose à me demander pour le moment ?

— Non.

— Du reste, monsieur a une sonnette dans sa chambre.

Et l’infirmier Chavet s’éloigna. M. Blanchard, livré à lui-même, s’aventura avec quelque timidité dans la cour. On le regarda à peine. Les pensionnaires avaient, pour la plupart, un air de gravité qui imposait ; quelques-uns se promenaient deux à deux, et il surprit des lambeaux de conversation d’une lucidité et d’un bon sens incontestables. Au bout d’une demi-heure, M. Blanchard se sentit