Page:Monselet - La Franc-maçonnerie des femmes, 1861.djvu/425

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Le grand jeune homme, qui s’était institué son cicérone, l’engagea à entrer dans la salle de réunion. Une partie de billard était engagée ; la galerie se pressait à une distance respectueuse des deux joueurs.

— La bille en tête et les trois bandes, dit le premier en accusant son coup.

— Gare au contre ! repartit le second ; à ta place, je jouerais l’ effet.

On se serait cru dans un café du Palais-Royal. Un vieux monsieur aux mouvements presque automatiques, et qui s’obstinait à garder deux épaulettes sur son habit noir, toucha doucement l’épaule de M. Blanchard. Celui-ci se retourna et crut deviner ce colonel dont le portrait lui avait été tracé par l’infirmier.

— Pardonnez l’extrême licence que je prends, lui dit ce nouvel excentrique, d’une voix adoucie à dessein.

— Il n’y en a aucune, monsieur.

— Vous m’avez semblé un homme de goût, et mon désir le plus vif serait de vous consulter.

— Sur quel sujet ? demanda M. Blanchard.

— Je suis convaincu à l’avance que vous ne verrez pas dans mes paroles un texte à railleries… comme les autres.

— Certainement non.

— Me trouvez-vous bien empaillé ?

— Mais… pas mal.

— Eh bien, moi je ne suis pas content, dit le colonel avec une profonde expression de tristesse.

— Peut-être êtes-vous trop exigeant.

— C’est ce que tout le monde me dit, mais je sais par malheur à quoi m’en tenir. On empaillait bien mieux autrefois. Je ne durerai pas dix ans.

— Oh ! si !

— Non ; on a lésiné sur les matières premières. J’ai déjà été plusieurs fois obligé de me raccommoder moi-même. Et puis, il me reste de l’odeur.

— Vous vous trompez, dit M. Blanchard.

— Auriez-vous par hasard un peu de paille dans vos poches ?