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de ceux-là. Victor Hugo a passé par les balbutiements des premières Odes et de Han d’Islande ; Lamartine a roucoulé le Sacre de Reims ; Balzac a eu quinze romans d’essai tués sous lui. George Sand a donné sa note du premier coup. Indiana et Valentine l’ont montrée telle qu’elle devait être.

Elle a eu plusieurs manières : la manière passionnée, d’où procèdent Lélia, Jacques, Léone-Léoni, le Secrétaire intime, la Dernière Aldini ; — la manière rustique, qui a donné naissance à la Mare au diable, à François le Champi, à Jeanne, à la Petite Fadette ; — la manière artistique, philosophique, politique et même géologique, comme dans Jean de la Roche.

Une chose devenue banale à force d’avoir été répétée, c’est que George Sand a subi en partie les influences très diverses de ses affections ou simplement de ses relations. Heureusement ou mallieurcusement ? — la question est à réserver. On ne peut nier que de ses entretiens suivis avec Lamennais, avec Pierre Leroux, avec Pascal Duprat, ne soient sorties ces œuvres absolument mystiques ou franchement socialistes qui s’appellent Spiridion, les Sept Cordes de la Lyre, le Compagnon du Tour de France. Faut-il s’en étonner ? Je ne le crois pas. Il vaut mieux, en adoptant les principes de critique générale de M. Taine}, se rappeler que George Sand était femme, et qu’en sa qualité de femme un peu d’incertitude et même de faiblesse lui était permise. Ce qu’on ne saurait nier davantage, c’est qu’elle n’ait tiré un parti surprenant de ses relations. Celui qui écrira une étude complète sur son œuvre, et qui se fera un devoir de plonger dans ces livres à part, en rapportera des pages splendides et des aperçus éblouissants, — quelque chose de plus que ce