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Page:Monselet - Petits mémoires littéraires, 1885.djvu/148

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petits mémoires littéraires

val vers les Tuileries ; il avait même déjà fait quelques pas dans cette direction, — lorsque tout à coup nous le vîmes tourner bride et gagner modestement son logement delà rue de Rivoli, en face du Palais-Royal.

Que s’était-il passé en lui pendant cette minute ?

Aujourd’hui, il y a quelque part, dans un coin de la province, un homme âgé, qui vit obscurément. On le dit bon ; peut-être élève-t-il des poissons rouges dans un bocal. Il a été donné à cet homme d’occuper un des plus hauts postes dans les temps modernes, haut à donner le vertige. La Providence ou la fatalité — comme on voudra — lui avait confié la défense d’une grande cité et le commandement d’un grand peuple, un peuple brave et aventureux à l’excès. Lui-même était un soldat ayant fait ses preuves. Il semblait parfaitement digne de la mission que le sort lui avait imposée.

Eh bien ? cet homme est demeuré inerte. Il n’a pas plus bougé qu’un soliveau. Pendant que les armées étrangères enveloppaient lentement Paris, il discourait paisiblement, debout, devant sa cheminée, car il avait la passion du discours. Lui qui avait su se servir d’une épée, il ne se servait plus que d’une langue. De temps en temps, il passait des grands cordons au cou des généraux ses collègues ; il faisait des grand-croix, des commandeurs. Pendant ce temps-là, le pain allait manquer.

Comme on le suppliait de faire une sortie et qu’il résistait toujours, cet homme fut saisi un jour d’une belle résolution : il alla, non pas sur le champ de bataille, mais chez un notaire. Là, il déposa un plan qui devait pulvériser l’ennemi. On sait la fin de cette lamentable parodie. Paris, fou de rage, dut se rendre. Cet homme tira son épingle du jeu et s’en alla vivre chez