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lui, à la campagne, comme s’il avait fait de grandes choses, comme un Cincinnatus. Peut-être a-t-il la conscience nette.

Cet homme, qui nourrit aujourd’hui les petits oiseaux sur sa fenêtre, est mon général de la place du Carrousel.


La renommée — bien frivole — de Georges Cavalier date de la première représentation à l’Odéon de Gaëtana, d’orageuse mémoire. C’était dans l’hiver de 1862. Très jeune étudiant, presque enfant, il s’y fit remarquer par son hostilité bruyante.

Une partie de la jeunesse d’alors, celle du quartier latin du moins, en voulait à M. Edmond About pour ses relations avec le haut monde officiel. — Cavalier et son groupe d’amis furent implacables.

Dans des circonstances analogues, on le retrouve trois ans plus tard, au Théâtre-Français. Il s’agissait cette fois d’Henriette Maréchal, une pièce des frères de Concourt, à laquelle on reprochait d’avoir passé par le salon de la princesse Mathilde. Georges Cavalier se mit à la tête d’une cabale formidable ; — c’est alors que son surnom baroque de Pipe-en-Bois commença à arriver au public.

Pourquoi Pipe-en-Bois ? Ces choses-là ne s’expliquent pas. On s’enquit de l’individu : on sut que c’était un élève de l’École des mines, très intelligent, mais dont la construction physique prêtait au sourire. Maigre d’une maigreur idéale, pâle comme Deburau, la lèvre contractée par un rictus continuel, un nez de polichinelle, un menton de galoche, Pipe-en-Bois faisait songer à ces casse-noisettes dont les fabricants de Nuremberg ont la spécialité.