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petits mémoires littéraires

toujours bougonnant, et l’immuable Altaroche, mystérieux et morose comme un sphinx.

Tous ces personnages, dont la mine compassée et dont la tenue sévère inspiraient le respect, s’occupaient chaque jour d’inventer solennellement de petits articles de soixante-quinze lignes environ, dans le genre suivant :

« LA QUESTION DES DARDANELLES

» Tartempion est en délicatesse avec le tsar.

» L’autre jour, le colosse du Nord l’a fait mander dans son cabinet et, après l’avoir regardé quelques instants d’un air farouche :

» — Tartempion, lui a-t-il dit.

» — Sire ?

» — Je ne suis pas content de toi.

» — Vous m’étonnez, sire.

» — Je le disais tout à l’heure encore au général Cabassol, mon fidèle chef de la police ; je lui disais : Je crois que Tartempion me trahit !

» — Pouvez-vous le penser, auguste Majesté ?

» — Prends garde à ta tête, Tartempion !

» — Mais, sire, qu’est-ce qui peut vous faire supposer… ?

» — Tu avais promis de me livrer la clef du Bosphore.

» — Un peu de patience, mon empereur.

» — Nom d’une gibelotte ! ma correspondance secrète insinue ce matin que tu l’as vendue à Castorine ?

» Tartempion devint pâle à ces mots, etc. etc. »

Tartempion ! Castorine ! Cabassol ! le Charivari a longtemps vécu sur ces fantoches de sa création.