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petits mémoires littéraires

on ne lui enlèvera pas cette qualité : il se connaissait en hommes.

Nefftzer a été, pendant de longues années, le bras droit de M. de Girardin à la Presse. Un autre, à cette fonction, aurait perdu de sa joyeuse humeur ; mais Nefîtzer était richement organisé. Et puis, Gambrinus veillait sur lui.

Fût-ce Gambrinus qui lui inspira la création de la Revue germanique ? À ce moment, Nefftzer parut s’envelopper de nuages ; il piqua plusieurs têtes dans la métaphysique néo-hégélienne, plongea, reparut, disparut encore…

Son œuvre dominant reste le Temps. Ce fut le journal de son cœur, de son esprit, et surtout de son tempérament, — un journal sage, honnête, philosophique, mais manquant un peu de mousse, par exemple. Nefftzer y a consacré les meilleures années de sa maturité et de son expérience. Il l’a guidé à travers des périodes difficiles, lui a creusé son lit, a assuré son avenir, — autant que l’avenir d’un journal peut s’assurer.

Puis, sa tâche accomplie, Nefftzer a abdiqué tout à coup.

Ses dernières années ont été empoisonnées par l’asservissement de son pays et par la perte d’un fils bien-aimé. Il n’a su ni voulu résister à ces deux épreuves.


Un bon point d’outre-tombe à M. Musard, qui a légué une somme de cent mille francs à l’œuvre de Rossini pour les pauvres musiciens. On n’a peut-être pas assez parlé de ce trait de bienfaisance, qui rachète bien des choses.