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petits mémoires littéraires

Existence brillante à la surface, de combien d’amertumes secrètes M. Musard ne fut-il pas abreuvé ! Il avait l’argent, mais il n’avait que cela. Et quelle fin mélancolique, sombre, traînée de ville en ville, solitaire, pleine du souvenir de celle qui avait été la « belle madame Musard » et qui devait mourir dans un hôpital de folles !

M. Musard était un jeune homme svelte, cambré, fils d’un homme célèbre, grêlé, macabre, à moitié fou, chef d’orchestre de bals auxquels il avait donné son nom, fier d’une vague ressemblance avec Napoléon Ier, tirant des coups de pistolet et cassant des chaises au milieu de ses quadrilles, propriétaire à Auteuil, etc. etc.

Il semblait que Musard fils n’eût qu’à suivre les traces de Musard père. C’est ce qu’il fit dans les commencements. Il était musicien, lui aussi. Allant et venant par la province, par l’étranger, dirigeant des bals, il rencontra la femme à laquelle il devait offrir son nom.

On a peut-être trop surfait la beauté de madame Musard. Ce qu’on peut dire d’elle, c’est qu’elle était distinguée de manières. Elle apporta une fortune à son mari, qui, dès ce moment, ne s’occupa plus de musique. On sait la vie élégante du couple Musard, ses attelages hors ligne, ses salons (peu peuplés), ses collections d’objets d’art. On sait aussi le désordre mental qui s’empara tout à coup et sans motif de la pauvre madame Musard.

La douleur de son mari fut immense. Rendons-lui cette justice.

Il n’a pas tardé à aller la rejoindre. Mais au moins une bonne action aura marqué ses derniers jours. Il a pensé aux vieux musiciens, aux musiciens sans sou