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sait accepter ceux mêmes qu’on lui signale comme des novateurs, bien certaine de trouver en elle les éléments de puissance et d’autorité qui savent maîtriser les ardeurs les plus grandes. »

Pourquoi le journal officiel éprouvait-il le besoin de mêler un ton de semonce à sa relation ?

M. Hugo succédait à Népomucène Lemercier. Népomucène ! un beau nom pour un poète tragique, un nom farouche comme l’était un peu le caractère de l’homme qui, après avoir été l’ami du Premier Consul, était devenu l’adversaire de l’Empereur. Lemercier ou un autre, cela était d’ailleurs fort égal à M. Victor Hugo. Son discours débuta par une page gigantesque : le portrait de Napoléon dans une gloire, sur fond d’or ; puis tout à coup, comme contraste, — comme antithèse, — la figure assombrie, revêche, de Népomucène Lemercier, l’auteur d’Agamemnon, de Plaute, de Pinto, de Christophe Colomb, un oseur pour son temps et dans son genre, un romantique avant que le nom lut inventé. Il me semble, à distance, que M. Victor Hugo n’a pas suffisamment insisté sur cette dernière qualité, très évidente pourtant. Il est vrai que, par une de ces contradictions que la vieillesse et la misanthropie se chargent d’expliquer, Lemercier s’était montré fort hostile au mouvement romantique. Ce champion du bon goût, ce défenseur des saines traditions, en même temps qu’il protestait contre les exagérations de la nouvelle école, faisait jouer à la Porte-Saint-Martin (1827) les Deux Filles spectres, un mélodrame de la plus étrange espèce.

L’éloge de Lemercier, — éloge très restreint, — servit de transition à M. Hugo pour arriver à une tentative d’apologie de la Convention nationale. « Soyons justes, Messieurs, — disait-il, — nous le pouvons sans dan-