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petits mémoires littéraires

ger aujourd’hui, soyons justes envers ces choses augustes et terribles qui ont passé sur la civilisation humaine et qui ne reviendront plus ! C’est, à mon sens, une volonté de la Providence que la France ait toujours à sa tête quelque chose de grand. Sous les anciens rois, c’était un principe ; sous l’Empire, ce fut un homme ; pendant la Révolution, ce fut une assemblée. Assemblée qui a brisé le trône et qui a sauvé le pays, qui a eu un duel avec la royauté comme Cromwell et un duel avec l’univers comme Annibal, qui a eu à la fois du génie comme tout un peuple et du génie comme un seul homme ; en un mot, qui a commis des attentats et qui a fait des prodiges ; que nous pouvons détester, que nous pouvons maudire, mais que nous devons admirer ! »

Et tout aussitôt, comme s’il craignait de soulever les susceptibilités d’une partie de son auditoire, le récipiendaire ajoutait : « Reconnaissons-le néanmoins, il se fit en France, dans ce temps-là, une diminution de lumière morale… Cette espèce de demi-jour ou de demi-obscurité, qui ressemble à la tombée de la nuit et qui se répand sur de certaines époques, est nécessaire pour que la Providence puisse, dans l’intérêt ultérieur du genre humain, accomplir sur les sociétés vieillies ces effrayantes voies de fait qui, si elles étaient commises par des hommes, seraient des crimes, et qui, venant de Dieu, s’appellent des révolutions. »

Un souffle d’étonnement circula dans la salle. On comptait sur un discours littéraire, on avait un discours politique. Après l’éloge de la Convention vint l’éloge de Louis-Philippe. Du reste, pas un mot relatif aux questions de style, c’est-à-dire à ce qui intéressait tout le monde. Pas une allusion aux conquêtes de la plume, aux luttes soutenues, aux progrès