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obtenus. M. Victor Hugo mit un soin extrême à éviter ce qui pouvait rappeler ou évoquer le romantisme. La chose fut passée sous silence, le mot ne fut pas prononcé. Il n’y eut pas de drapeau planté. De là, déception générale. Les disciples consternés purent croire à une apostasie.

C’était M. de Salvandy qui était chargé de répondre à M. Hugo. M. de Salvandy était un bel homme qui avait fait autrefois un roman intitulé : Alonzo, pour lequel il avait eu à subir beaucoup de brocarts. L’Université l’avait consolé ; il était du bois dont on fait les ministres. D’ailleurs, bon homme, avec des prétentions à l’esprit. Il mit un malin plaisir à ramener le récipiendaire sur le terrain exclusif de la littérature, en lui donnant bien à entendre qu’on l’avait surtout admis parce qu’il n’avait aucune nuance politique, parce qu’il ne représentait aucun parti, ce dont il le félicita outre mesure, — et ce qui ne laissait pas que d’être passablement offensant, car enfin on est toujours de son temps et on en partage plus ou moins les passions.

« C’est à nous, lui dit-il, de vous restituer votre cortège naturel, de rassembler autour de vous vos patrons et vos garants véritables : les Odes, Notre-Dame de Paris, les Rayons et les Ombres… Napoléon, Sieyès, Malesherbes, ne sont pas vos ancêtres, monsieur. Vous en avez de non moins illustres : J.-B. Rousseau, Clément Marot, Pindare, le Psalmiste. »

Jean-Baptiste Rousseau ! M. Victor Hugo dut faire une singulière grimace en entendant ce nom. Pourquoi pas Le Franc de Pompignan, tout de suite ?

Mais où M. de Salvandy cessa de se contenir, c’est lorsqu’il en arriva à cette partie du discours de M. Hugo, où celui-ci avait essayé de montrer Lemercier sym-