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petits mémoires littéraires

puis, un beau jour, il apparut modestement triomphant. Il venait de trouver sa voie : il s’était institué le conseiller des ménages, le confident des époux.

Prenez le recueil de ses consultations réunies sous le titre de Scènes et Comédies ; on y voit une étude suivie des phénomènes du mariage. L’analyste se double d’un peintre élégant, que n’abandonne jamais le souci du bon goût. Il n’a pas son pareil pour saisir au vol et retracer les nuages de la vie conjugale. Il va rarement jusqu’à la tempête ; il s’arrête au frémissement du vent dans les arbres, aux premières gouttes d’eau qui frappent les vitres de la chambre à coucher, aux ténèbres passagères de l’horizon. Tout au plus un éclair, rarement la foudre. La Crise et les autres saynètes qui la suivirent se rattachent à cette phase de l’existence des femmes, pendant laquelle le fantôme de l’infidélité se dresse pour la première fois et se dégage confusément au milieu des désenchantements du mariage.

En même temps que sa voie, il avait trouvé sa manière, entre le soupir et le sourire. Plein d’indulgence pour les demi-fautes, il se mit à tenir un assortiment d’abîmes selon les âges et selon les fortunes. Voulez-vous un précipice bonne mesure, ni trop vaste ni trop étroit, suffisamment orné de fleurs ? prenez la Clef d’or. Préférez-vous un simple fossé, avec un peu d’eau et quelques nénuphars à la surface, sans oublier une main gantée pour vous retenir au bord ? je vous propose le Cheveu blanc.

On pourrait écrire sur tout ce répertoire : Fragile, comme on fait sur les caisses où sont les jolis miroirs, les coquettes porcelaines, les filigranes gentilles. Je sens qu’en parlant ainsi je risque d’assombrir le front de plus d’une lectrice pour laquelle M. Octave Feuillet