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petits mémoires littéraires

trouver un équivalent dans la toile de Delacroix représentant la Liberté sur les barricades.

En présence d’un tel succès, Véron jugea utile d’aller rendre visite au poète levant. Du plus loin qu’il l’aperçut, il lui ouvrit les bras et voulut à toute force l’embrasser, à la façon des financiers du xviii, dont il avait quelques allures.

— Ah çà ! lui dit-il, vous n’allez pas en rester là, je suppose. Vous voilà de la Revue de Paris. J’espère que vous allez nous donner une seconde satire ?

— Très volontiers.

— En avez-vous une toute prête ?

— Ma foi ! non.

— Diable ! cela est contrariant. Il me faut pourtant quelque chose de vous dans le prochain numéro. Mes lecteurs y comptent. Voyons, cherchez dans vos tiroirs ; un jeune homme comme vous doit avoir une pyramide de manuscrits.

On chercha ensemble. Le résultat de cette recherche fut une petite pièce intitulée : Nisa, une étude de baigneuse antique.

— J’aurais préféré autre chose, dit Véron en soupirant ; mais cependant je vais publier la baigneuse… en attendant mieux.

Le public fut un peu surpris, car, malgré une certaine fraîcheur, Nisa était loin de tenir les promesses de l’auteur de la Curée. On y voyait déjà poindre ces incompréhensibles gaucheries de facture qui devaient déparer souvent l’œuvre magnifique du poète.

Peu de temps après, il prenait une revanche éclatante avec la Popularité.

La popularité, c’est la grande impudique…