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la chaîne de ses traditions intenompues. Elle avait justement à combler une place laissée vide dans ses rangs par le suicide plus qu’imprévu de M. Prévost-Paradol, remontant déjà à l’été de 1870. L’opinion publique ratifia le choix qu’elle fit de M. Camille Rousset. Sa réception fut hâtée plus que de coutume : elle eut lieu le 2 mai 1872, M. d’Haussonville étant directeur.

Le discours de M. Rousset ne roula absolument que sur l’infortuné Prévost-Paradol, l’Eliacin des doctrinaires, le polémiste impatient du pouvoir, le prophète chagrin de la France nouvelle. Il apprécia comme il convenait ce talent brillant, vif, délié, spirituel, qui avait déjà beaucoup donné et de qui l’on attendait beaucoup encore. Ce fut un éloge, rien qu’un éloge, un regret dans une apologie. L’avenir n’aura peut-être pas dos indulgences aussi étendues que M. Camille Rousset.

De lui-même, de ce qu’il avait voulu faire et de ce qu’il voulait faire encore, de sa façon particulière d’envisager l’histoire et de la traiter, M. Camille Rousset ne souffla pas un mot. Ce fut M. d’Haussonville qui se chargea de ce soin : historien lui-même, il eut pour le récipiendaire toutes les aménités auxquelles on devait s’attendre. « Je ne sais si je m’abuse. Monsieur, — lui dit-il, — et si l’amour des mêmes études me rend, à mon insu, partial à votre égard ; mais il me semble que, par une heureuse fortune, il vous a été donné d’exceller dans une branche de littérature qui a fait de nos jours d’incontestables progrès, et qui répond merveilleusement aux secrets penchants de notre société moderne. C’est en effet l’un des mérites de l’histoire qu’elle contribue puissamment à distraire, ne faudrait-il pas dire à consoler, les générations mécontentes de leur sort. »