soufflait mot et demeurait le regard fixe, insignifiant, assis dans une chaise, les pieds remontés sur les barreaux.
— Un des plus brillants viveurs de son époque ! me dit le directeur.
Personne n’a moins ressemblé aux autres fous que Gérard de Nerval, et l’on est forcé de s’arrêter devant cette physionomie si sympathique et si charmante. Il était devenu fou tout naturellement, en lisant, en voyageant, en aimant. Il faut dire aussi que les livres qu’il lisait étaient des livres de cabale et d’astrologie, que l’Égypte était le but préféré de ses voyages et que la femme pour laquelle il avait brûlé le plus (car aimer était trop peu pour lui) était une comédienne.
Ainsi loti, Gérard de Nerval avait beaucoup de chances pour exécuter un plongeon dans les espaces imaginaires. Il en exécuta plusieurs, revint du premier et du second, se cramponna, lutta, — tellement qu’il finit par prendre goût à cette lutte et par se mettre tout bonnement à exploiter littéralement sa folie.
La mort, — cette mort tragique que je n’ai jamais pu admettre comme le résultat d’un suicide, — la mort le surprit à cette occupation inouïe. Il avait vendu ses sensations à la Revue de Paris, et, le lendemain de son enterrement, on pouvait lire des confidences du genre de celles-ci, notées par lui heure par heure :
« J’ai été souper cette nuit dans un café du boulevard, et je me suis amusé à jeter en l’air des pièces d’or et d’argent… Ensuite, j’allai à la halle et je me disputai avec un inconnu, à qui je donnai un rude soufflet ; je ne sais comment cela n’eut aucune suite. À une certaine heure, entendant sonner l’horloge de