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petits mémoires littéraires

masquer. L’heure est passée des convenances dues à un vivant, qui a d’ailleurs rudement expié une inconcevable minute d’égarement. Une affaire de billet commercial le mena en justice. Il aurait été facile et delà plus simple humanité de ne pas pousser les choses aussi loin ; les intéressés avaient été priés et suppliés avant le procès, et indemnisés, cela va sans dire. Rien n’y fit. Léon Gozlan m’a dit plus tard qu’il y « avait une femme là-dessous ». Cela ne justifie rien, mais cela explique tout. On voulait perdre Jules Lecomte, on le perdit. On le condamna à la prison, lui, le jeune homme ; lui, le littérateur déjà apprécié. On fut impitoyable, plus qu’impitoyable, on fut aveugle. La légalité, qui a d’inexplicables indulgences, a aussi d’inexplicables rigueurs. Jules Lecomte fut victime d’une de ces rigueurs-là.

Il dut s’expatrier pour purger sa contumace. Il alla vivre en Italie. Alors commença pour lui une existence difficile et romanesque dont il n’a jamais livré la clef, même à ses intimes. Il était moins que riche ; on a prétendu qu’il avait chanté l’opéra sous le nom de Volberg ; on s’est basé sur un de ses romans d’alors, devenu très rare aujourd’hui : Aventures galantes d’un ténor italien (Souverain, éditeur ; 2 vol.  in-8).

Ce qui est plus certain, c’est qu’il eut des rapports avec la duchesse de Parme, veuve de Napoléon Ier, dont il a écrit l’histoire. D’autres ouvrages datent de cette époque tourmentée ; je dis tourmentée, parce qu’il bénéficia rarement de son exil. Toujours, au moment où il s’y attendait le moins, se dressait devant lui cette fatale condamnation ; tantôt c’était une gazette locale, informée par ses actifs ennemis de Paris, qui la lui jetait au visage ; ; tantôt même c’était d’un compatriote rencontré (Alexandre Dumas, par exemple)