Page:Monselet - Petits mémoires littéraires, 1885.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
petits mémoires littéraires

largement profité de cette habileté-là, Jules Lecomte fut une puissance ; il aurait pu être une méchanceté, il ne le fut pas.

En 1858, il fit accepter et jouer au Théâtre-Français une comédie en quatre actes, le Luxe, un peu naïve de moyens, mais pavée d’intentions morales, et qui réussit sans la moindre opposition. D’un autre côté, l’Académie française lui accorda un de ses prix pour un livre intitulé : La Charité à Paris. Je crois bien que c’était un prix Montyon. Pour le coup, sa réhabilitation était complète. Il n’avait plus qu’à se laisser vivre et à être heureux.

Mais la fatalité ne l’entendait pas ainsi. Jules Lecomte souffrait sourdement depuis longtemps. Un jour, la maladie —une phtisie pulmonaire — se déclara impérieusement, réclamant sa proie. Dès lors ce ne fut plus qu’une agonie, dont on peut suivre les progrès dans sa correspondance avec Albéric Second.

« Imagine-toi, lui écrit-il, une insupportable complication de mon état : chaque soir, vers huit heures, il me prend un gros accès de fièvre, qui me fait à la fois frissonner et brûler, me met dans une moiteur qui amène un peu de délire ou tout au moins de déplacement dans les idées, et ne me quitte que vers quatre heures du matin. Le médecin me donne cette jolie perspective, si bien d’accord avec ma vie et mon état, de passer une forte partie de l’été au bord de l’Océan. Autant parler du Styx ! »

Trois jours après, nouvelle lettre.

« Depuis lundi, je lutte contre une bronchite aiguë, rupture de vaisseaux sanguins, trois saignées, fièvre de 105 à 120 pulsations, le tout sur le malheureux corps que tu sais. »

Le surlendemain : « Le docteur sort de chez moi et