Page:Monselet - Portraits après décès, 1866.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le détourna brusquement de sa route. Le Jouy littéraire avait eu toutes les croix de Saint-Louis qu’il avait désirées.

Avec lui s’en sont allées les dernières traces de cette école de l’esprit sans poésie, & de la poésie sans enthousiasme. — Le beau hussard de l’Empire, qui avait été l’élégant marquis du xviiie siècle, tombe sur le champ de bataille, la poitrine froide sous son échelle de galons. Et l’on s’aperçoit en ce moment qu’il n’est point mort d’un boulet ou d’un coup de sabre, ainsi qu’on le pensait, mais tout vulgairement comme le premier phthisique venu. Il n’a pas été tué, il s’est éteint. Il s’est éteint au champ d’honneur, & sa mort a eu tout le prestige d’une mort militaire.

Telle est l’histoire du grand duel de 1830. — L’école de Voltaire tomba dans la fosse avant d’y être poussée. Jusqu’au dernier moment, elle eut encore l’art de dissimuler son agonie, de poser du fard sur ses rides & de faire de son râle une tirade solennelle. Le jour de sa mort, elle mit sa cravate la plus blanche, son bas de soie le plus fin, son habit le plus académique, & elle se rendit sur le terrain, appuyée simplement au bras d’un vieux valet de chambre. Là elle regarda l’heure qu’il était à sa montre, et, sentant qu’il lui restait encore quelques minutes de