– M. Harmant a habité longtemps l’Amérique ?
– Vingt-deux ans. Il est arrivé à New York, en 1861.
– Les inventeurs d’un vrai mérite s’enrichissent vite en Amérique. Peut-être y retournerez-vous un jour ?
– Je ne crois pas.
– Pourquoi ? »
Mary se sentit rougir. Cependant elle répondit :
« Mon père ne se déciderait plus à quitter son pays natal, et tous ses intérêts sont maintenant en France.
– C’est vrai, mais il peut se présenter telles circonstances : par exemple, un mariage pour vous, mademoiselle.
– Oh ? fit Mary vivement, je n’épouserai jamais un Américain.
– Vous aimez les Français ?
– Beaucoup. D’ailleurs, par mon père, je suis Française.
– Dernièrement, lorsque j’ai eu le plaisir de vous voir chez mon ami Georges Darier, vous avez exprimé une idée au sujet de Lucien Labroue… qui vous fait honneur… »
Mary se sentit rougir de nouveau et balbutia timidement :
« Le devoir étroit de ceux qui possèdent est, selon moi, de tendre la main à ceux qui ne possèdent point…
– M. Harmant, après réflexion, a-t-il été de votre avis ?
– Je crois que mon père a proposé une association à M. Labroue.
– Vous me quittez déjà ? fit Étienne en la voyant se lever.
– Oui, dit-elle, mais je reviendrai après-demain »
Le peintre reconduisit Melle Harmant et revint s’asseoir devant le tableau qu’il retouchait.
« Cette ressemblance de Lucie et de Jeanne Fortier est étrange ! murmura-t-il. Et Lucie est une enfant élevée à l’hospice, et elle a vingt-deux ans… »