Page:Montaigne - Essais, Éd de Bordeaux, 1.djvu/81

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sans effroy. Où les femmes en l’une et l’autre jambe portent des greves de cuivre ; et, si un pouil les mord, sont tenues par devoir de magnanimité de le remordre ; et n’osent espouser, qu’elles n’ayent offert à leur Roy, s’il veut de leur pucellage. Où l’on salue mettant le doigt à terre, et puis le haussant vers le ciel. Où les hommes portent les charges sur la teste, les femmes sur les espaules : elles pissent debout, les hommes accroupis. Où ils envoient de leur sang en signe d’amitié, et encensent comme les Dieux les hommes qu’ils veulent honnorer. Où non seulement jusques au quatriesme degré, mais en aucun plus esloingné, la parenté n’est soufferte aux mariages. Où les enfans sont quatre ans en nourrisse, et souvent douze : et là mesme, il est estimé mortel de donner à l’enfant à tetter tout le premier jour. Où les peres ont charge du chastiment des masles ; et les meres à part, des femelles : et est le chastiment de les fumer, pendus par les pieds. Où on faict circoncire les femmes. Où l’on mange toute sorte d’herbes, sans autre discretion que de refuser celles qui leur semblent avoir mauvaise senteur. Où tout est ouvert, et les maisons pour belles et riches qu’elles soyent, sans porte, sans fenestre, sans coffre qui ferme ; et sont les larrons doublement punis qu’ailleurs. Où ils tuent les pouils avec les dents comme les Magots, et trouvent horrible de les voir escacher soubs les ongles. Où l’on ne couppe en toute la vie ny poil ni ongle ; ailleurs où l’on ne couppe que les ongles de la droicte, celles de la gauche se nourrissent par gentillesse. Où ils nourrissent tout le poil du corps du costé droit, tant qu’il peut croistre, et tiennent ras le poil de l’autre costé. Et en voisines provinces celle icy nourrit le poil de devant, cette là le poil de derriere, et rasent l’oposite. Où les peres prestent leurs enfans, les maris leurs femmes, à jouyr aux hostes, en payant. Où on peut honnestement faire des enfans à sa mère, les peres se mesler à leurs filles, et à leurs fils. Où aux assemblées des festins, ils s’entreprestent les enfans les uns aus autres. Icy on vit de chair humaine ; là c’est office de pieté de tuer son pere en certain aage ; ailleurs les peres ordonnent, des enfans encore au ventre des meres, ceux qu’ils veulent estre nourris et conservez, et ceux qu’ils veulent estre abandonnez et tuez ; ailleurs les vieux maris prestent leurs femmes à la jeunesse pour s’en servir ; et ailleurs elles sont communes sans peché : voire en tel pays portent pour merque d’honneur autant de belles houpes