Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/170

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ceuë, à cause d’vn’image de Sainct Iean Baptiste pendue en son lict. Des animaux il en est de mesmes : tesmoing les brebis de Iacob, et les perdris et lieures, que la neige blanchit aux montaignes. On vit dernièrement chez moy vn chat guestant vn oyseau au hault d’vn arbre, et s’estans fichez la veuë ferme l’vn contre l’autre, quelque espace de temps, l’oyseau s’estre laissé choir comme mort entre les pâtes du chat, ou enyuré par sa propre imagination, ou attiré par quelque force attractiue du chat.Ceux qui ayment la volerie ont ouy faire le conte du fauconnier, qui arrestant obstinément sa veuë contre vn milan en l’air, gageoit, de la seule force de sa veuë le ramener contrebas : et le faisoit, à ce qu’on dit. Car les histoires que i’emprunte, ie les renuoye sur la conscience de ceux de qui ie les prens. Les discours sont à moy, et se tiennent par la preuue de la raison, non de l’expérience ; chacun y peut ioindre ses exemples : et qui n’en a point, qu’il ne laisse pas de croire qu’il en est assez, veu le nombre et variété des accidens. Si ie ne comme bien, qu’vn autre comme pour moy. Aussi en l’estude que ie traitte, de noz mœurs et mouuements, les tesmoignages fabuleux, pourueu qu’ils soient possibles, y seruent comme les vrais. Aduenu ou non aduenu, à Rome ou à Paris, à Iean ou à Pierre, c’est tousiours vn tour de l’humaine capacité : duquel ie suis vtilement aduisé par ce récit. Ie le voy, et en fay mon profit, également en vmbre qu’en corps. Et aux diuerses leçons, qu’ont souuent les histoires, ie prens à me seruir de celle qui est la plus rare et mémorable. Il y a des autheurs, desquels la fin c’est dire les euenements. La mienne, si i’y scauoye aduenir, seroit dire sur ce qui peut aduenir. Il est iustement permis aux Escholes, de supposer des similitudes, quand ilz n’en ont point. Ie n’en fay pas ainsi pourtant, et surpasse de ce costé là, en religion superstitieuse, toute foy historiale. Aux exemples que ie tire céans, de ce que i’ay leu, ouï, faict, ou dict, ie me suis défendu d’oser altérer iusques aux plus légères et inutiles circonstances, ma conscience ne falsifie pas vn iota, mon inscience ie ne sçay.Sur ce propos, i’entre par fois en pensée, qu’il puisse asses bien conuenir à vn Théologien, à vn Philosophe, et telles