Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/400

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

son Pape, chefs prinicipaux de cette hérésie, moururent en diuers temps, de morts si pareilles et si estranges (car retirez de la dispute par douleur de ventre à la garderobe, tous deux y rendirent subitement l’ame) et exaggerer cette vengeance diuine par la circonstance du lieu, y pourroit bien encore adiouster la mort de Heliogabalus, qui fut aussi tue en vn retraict. Mais quoy ? Irenee se trouue engage en mesme fortune.Dieu nous voulant apprendre, que les bons ont autre chose à espérer : et les mauuais autre chose à craindre, que les fortunes ou infortunes de ce monde : il les manie et applique selon sa disposition occulte : et nous oste le moyen d’en faire sottement nostre profit. Et se moquent ceux qui s’en veulent preualoir selon l’humaine raison. Ils n’en donnent iamais vne touche, qu’ils n’en reçoiuent deux. Sainct Augustin en fait vne belle prenne sur ses aduersaires. C’est vn conflict, qui se décide par les armes de la mémoire, plus que par celles de la raison. Il se faut contenter de la lumière qu’il plaist au Soleil nous communiquer par ses rayons, et qui esleuera ses yeux pour en prendre vne plus grande dans son corps mesme, qu’il ne trouue pas estrange, si pour la peine de son outrecuidance il y perd la veuë. Quis hominum potest scire consilium Dei ? aut quis poterit cogitare, quid velit Dominus ?

CHAPITRE XXXII.

De fuir les voluptez au pris de la vie.


I’avois bien veu conuenir en cecy la pluspart des anciennes opinions : Qu’il est heure de mourir lorsqu’il y a plus de mal que de bien à viure : et que de conseruer nostre vie à nostre tourment et incommodité, c’est choquer les règles mesmes de nature, comme disent ces vieilles règles,

Η ζῇν ἀλύπως, ἤ θαηνεῖν εὐδαιμόνως
Καλόν τὸ θνήσκειν οἷς ὗβριν τὸ ζᾗν φέρει.
Κρεῖσσσν τὸ μὴ ζῆν ἐστίν, ἢ ζῇν ἀθλίως.