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Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/450

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establissez les contrerolleurs de toutes vos intentions. Si elles se détraquent, leur reuerence vous remettra en train : ils vous contiendront en cette voye, de vous contenter de vous mesmes, de n’emprunter rien que de vous, d’arrester et fermir vostre ame en certaines et limitées cogitations, où elle se puisse plaire : et ayant entendu les vrays biens, desquels on iouyt à mesure qu’on les entend, s’en contenter, sans désir de prolongement de vie ny de nom. Voyla le conseil de la vraye et naifue philosophie, non d’vne philosophie ostentatrice et parliere, comme est celle des deux premiers.

CHAPITRE XXXIX.

Considération sur Ciceron.


Encor’ vn traict à la comparaison de ces couples. Il se tire des escrits de Cicero, et de ce Pline peu retirant, à mon aduis, aux humeurs de son oncle, infinis tesmoignages de nature outre mesure ambitieuse : entre autres qu’ils sollicitent au sceu de tout le monde, les historiens de leur temps, de ne les oublier en leurs registres : et la fortune comme par despit, a faict durer iusques à nous la vanité de ces requestes, et pieça faict perdre ces histoires.Mais cecy surpasse toute bassesse de cœur, en personnes de tel rang, d’auoir voulu tirer quelque principale gloire du cacquet, et de la parlerie, iusques à y employer les lettres priuées escriptes à leurs amis : en manière, que aucunes ayans failly leur saison pour estre enuoyées, ils les font ce neantmoins publier auec cette digne excuse, qu’ils n’ont pas voulu perdre leur trauail et veillées. Sied-il pas bien à deux consuls Romains, souuerains magistrats de la chose publique emperiere du monde, d’employer leur loisir, à ordonner et fagotter gentiment vne belle missiue, pour en tirer la réputation,