Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/534

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lions, qui ne peuuent faillir à quiconque a l’impudence de les alléguer.Les armoiries n’ont de seurté, non plus que les surnoms. Ie porte d’azur semé de trefles d’or, à vue pale de lyon de mesme, armée de gueules, mise en face. Quel priuilege a cette figure, pour demeurer particulierement en ma maison ? vn gendre la transportera en vne autre famille ; quelque chetif acheteur en fera ses premières armes : il n’est chose où il se rencontre plus de mutation et de confusion.Mais cette considération me tire par force à vn autre champ. Sondons vn peu de près, et pour Dieu regardons, à quel fondement nous attachons cette gloire et réputation, pour laquelle se boulleuerse le monde : où asseons nous cette renommée, que nous allons questant auec si grand’peine ? C’est en somme Pierre ou Guillaume, qui la porte, prend en garde, et à qui elle louche. la courageuse faculté que l’espérance : qui en vn subiect mortel, et en vn moment, va vsurpant l’infinité, l’immensité, et remplissant l’indigence de son maistre, de la possession de toutes les choses qu’il peut imaginer et désirer, autant qu’elle veut ! Nature nous a là donné, vn plaisant iouët. Et ce Pierre ou Guillaume, qu’est-ce qu’vne voix pour tous potages ? ou trois ou quatre traicts de plume, premierement si aisez à varier, que ie demanderois volontiers à qui touche l’honneur de tant de victoires, à Guesquin, à Glesquin, ou à Gueaquin ? Il y auroit bien plus d’apparence icy, qu’en Lucien que Σ. mit T. en procez, car

Non leuia aut ludicra petuntur
Præmia :

Il y va de bon ; il est question laquelle de ces lettres doit estre payée de tant de sièges, battailles, blessures, prisons et seruices faits à la couronne de France, par ce sien fameux Connestable,

Nicolas Denisot n’a eu soing que des lettres de son nom, et en a changé toute la contexture, pour en bastir le Conte d’Alsinois qu’il a estrené de la gloire de sa poésie et peinture. Et l’historien Suétone n’a aymé que le sens du sien, et en ayant priué Lénis, qui estoit le surnom de son père, a laissé Tranquillus successeur de la réputation de ses escrits. Qui croiroit que le Capitaine Bayard n’eust honneur, que celuy qu’il a emprunté des faicts de Pierre Terrail ? et qu’Antoine Escalin se laisse voler à sa veuë tant de nauigations et charges par mer et par terre au Capitaine Poulin, et