Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/553

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liers émérites. César, dans sa jeunesse, montait sur un cheval sans selle et sans bride, et, conservant les mains derrière le dos, s’abandonnait à la fougue de l’animal. — La nature, qui de lui et d’Alexandre a fait deux prodiges en art militaire, semble les avoir également dotés de montures extraordinaires. Chacun sait que Bucéphale, le cheval d’Alexandre, avait une tête qui tenait de celle du taureau ; qu’il ne se laissait monter par personne autre que son maître, et n’avait pu être dressé que par lui ; qu’après sa mort, des honneurs divins lui furent rendus et son nom donné à une ville construite pour perpétuer sa mémoire. César en eut un dont les pieds de devant avaient une conformation se rapprochant de celle du pied de l’homme ; ses sabots étaient entaillés et formaient en quelque sorte des doigts ; seul. César avait pu le dresser et pouvait le monter ; après sa mort, il plaça son image dans un temple dédié à Vénus.

L’exercice du cheval est salutaire. — Quand je suis à cheval, je n’en descends pas volontiers ; car c’est le mode de locomotion que je préfère, que je sois bien portant ou malade. Platon en recommande l’exercice comme favorable à la santé, et Pline dit qu’il convient pour l’estomac et qu’il entretient la souplesse des articulations. Mais poursuivons ce sujet, puisque c’est ce dont nous nous occupons.

Xénophon cite une loi qui défendait de voyager à pied à tout homme possédant un cheval. — Trogue-Pompée et Justin rapportent que les Parthes avaient coutume non seulement de combattre à cheval, mais encore d’y demeurer lorsqu’ils traitaient de leurs affaires publiques ou privées, qu’ils faisaient leurs achats, discutaient, causaient ou se promenaient ; et que, chez eux, la différence essentielle entre les hommes libres et les serfs consistait en ce que les premiers allaient à cheval et les autres à pied ; cette institution remontait au roi Cyrus.

Pour combattre, les Romains faisaient parfois mettre pied à terre à leurs gens à cheval ; aux peuples nouvellement conquis ils ôtaient leurs armes et leurs chevaux. — L’histoire romaine nous donne plusieurs exemples, et Suétone le remarque plus particulièrement chez César, de capitaines qui prescrivaient à leurs guerriers à cheval de mettre pied à terre dans les circonstances critiques, autant pour enlever aux soldats toute espérance de fuite qu’en raison des avantages qu’ils espéraient de ce genre de combat, « où, sans conteste, excelle le Romain », dit Tite-Live. — Quoi qu’il en soit, la première précaution qu’ils prenaient pour contenir les révoltes des peuples qu’ils venaient de soumettre, était de leur enlever armes et chevaux ; c’est pourquoi nous lisons si souvent dans César : « Il commande qu’on livre les armes, qu’on amène les chevaux, qu’on donne des otages ». — Le Grand Seigneur ne permet aujourd’hui, dans toute l’étendue de son empire, à aucun chrétien ou juif de posséder un cheval.

Nos ancêtres combattaient généralement à pied. — Nos