Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/557

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lorsqu’on en arrivait au corps à corps, elle était une gêne à la marche de l’assaillant, et que le sol jonché de tronçons en combustion devait, au cours de la mêlée, être également incommode pour tous : « Semblable à la foudre, la phalarique fendait l’air avec un horrible sifflement (Virgile). »

Autres armes des anciens, qui suppléaient à nos armes à feu. — Ils avaient encore d’autres moyens d’action qui, par l’habitude de s’en servir, possédaient une grande puissance à laquelle, dans notre inexpérience, nous ne pouvons croire et qui suppléaient à l’emploi de notre poudre et de nos boulets qui leur étaient inconnus. Ils lançaient leurs javelots avec une telle force, que souvent ils transperçaient d’un seul trait deux boucliers et les deux hommes qui en étaient armés, et les liaient pour ainsi dire l’un à l’autre. Leurs frondes avaient une portée aussi juste et aussi longue que nos armes actuelles : « Exercés à lancer sur la mer les cailloux ronds du rivage, et à tirer avec leurs frondes d’une distance considérable dans des cercles de médiocre grandeur, ils blessaient leurs ennemis, non seulement à la tête, mais à telle partie du visage qu’il leur plaisait (Tite-Live). » Les engins qu’ils employaient pour battre les murailles, avaient même effet et faisaient même tapage que les nôtres : « Au bruit terrible dont retentissaient les murailles sous les coups des assiégeants, le trouble et l’effroi s’emparèrent des assiégés (Tite-Live). » — Les Gaulois d’Asie, qui sont de même origine que nous, dressés à combattre à l’arme de main, ce qui nécessite plus de courage, avaient en horreur ces armes traîtresses atteignant à distance : « La largeur des plaies ne les effraie pas ; et même lorsqu’elles sont plus larges que profondes, ils s’en font gloire comme d’une preuve de valeur. Mais si au contraire la pointe d’une flèche ou une balle de plomb lancée avec la fronde, pénètre profondément dans leur chair en ne laissant qu’une trace légère à la surface, alors, furieux de périr d’une piqûre, ils se roulent par terre de rage et de honte (Tite-Live) » ; cela ne s’applique-t-il pas presque textuellement à nos arquebuses ? — Les Grecs, dans la retraite si longue et si célèbre des Dix-mille, rencontrèrent une nation qui leur fit beaucoup de mal en employant contre eux de très grands arcs, très forts, qui lançaient des flèches de longueur telle que ramassées et rejetées à la main comme on le fait d’un javelot, elles traversaient un bouclier et, du même coup, l’homme qui en était armé. — Les catapultes que Denys inventa à Syracuse pour lancer des traits énormes et des pierres de volume considérable et qui les projetaient au loin avec tant de violence, avaient bien du rapport avec les inventions de notre époque.

Plusieurs peuples ont excellé dans l’art de manier les chevaux. — Notons encore la manière originale dont se tenait sur sa mule un certain maître Pierre Pol, docteur en théologie, que Monstrelet nous dépeint ayant coutume de se promener à travers Paris, assis de côté sur sa monture comme les femmes. — Ce même historien dit, dans un autre passage de ses chroniques, que