Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/558

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cons auoient des cheuaux terribles, accoustumez de virer en courant, dequoy les François, Picards, Flamands, et Brabançons, faisoyent grand miracle, pour n’auoir accoustumé de les voir : ce sont ses mots. Cæsar parlant de ceux de Suéde : Aux rencontres qui se font à cheual, dit-il, ils se iettent souuent à terre pour combattre à pied, ayant accoustumé leurs cheuaux de ne bouger ce pendant de la place, ausquels ils recourent promptement, s’il en est besoin, et selon leur coustume, il n’est rien si vilain et si lasche que d’vser de selles et bardelles, et mesprisent ceux qui en vsent : de manière que fort peu en nombre, ils ne craignent pas d’en assaillir plusieurs. Ce que i’ay admiré autresfois, de voir vn cheual dressé à se manier à toutes mains, auec vne baguette, la bride auallée sur ses oreilles, estoit ordinaire aux Massiliens, qui se seruoient de leurs cheuaux sans selle et sans bride.

Et gens, quæ nudo residens Massilia dorso,
Ora leui flectit, frænorum nescia, virga.

Et Numidæ infræni cingunt.

Equi sine frænis, deformis ipse cursus, rigida ceruice et extento capite currentium.Le Roy Alphonce, celuy qui dressa en Espaigne l’ordre des Cheualiers de la Bande, ou de l’Escharpe, leur donna entre autres règles, de ne monter ny mule ny mulet, sur peine d’vn marc d’argent d’amende : comme ie viens d’apprendre dans les lettres de Gueuara, desquelles ceux qui lès ont appellées Dorées, faisoient iugement bien autre que celuy que i’en fay. Le Courtisan dit, qu’auant son temps c’estoit reproche à vn Gentilhomme d’en cheuaucher. Les Abyssins au rebours : à mesure qu’ils sont les plus aduancez pres le Pretteian leur Prince, affectent pour la dignité et pompe, de monter dos grandes mules.Xenophon recite que les Assyriens tenoient tousiours leurs cheuaux entrauez au logis, tant ils estoient fascheux et farouches : et qu’il falloit tant de temps à les destacher et harnacher, que, pour que cette longueur ne leur apportast dommage s’ils venoient à estre en desordre surprins par les ennemis, ils ne logeoient iamais en camp, qui ne fust fossoyé et remparé. Son Cyrus, si grand maistre au faict de cheualerie, mettoit les cheuaux de son escot : et ne leur faisoit bailler à manger, qu’ils ne l’eussent gaigné par la sueur de quelque exercice.Les Scythes, où la nécessité les pressoit en la guerre, tiroient du sang de leurs cheuaux, et s’en abbreuuoient et nourrissoient,