Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/604

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croire au contraire : et plus fascheuse encore, qu’on se persuade d’vn tel esprit, qu’il profère ie ne sçay quelle disparité de fortune présente, aux espérances et menaces de la vie éternelle ! Ils m’en peuuent croire : Si rien eust deu tenter ma ieunesse, l’ambition du hazard et difficulté, qui suiuoient cette récente entreprinse, y eust eu bonne part.Ce n’est pas sans grande raison, ce me semble, que l’Église deffend l’vsage promiscue, téméraire et indiscret des sainctes et diuines chansons, que le Sainct Esprit a dicte en Dauid. Il ne faut mesler Dieu en nos actions qu’auecque reuerence et attention pleine d’honneur et de respect. Cette voix est trop diuine, pour n’auoir autre vsage que d’exercer les poulmons, et plaire à nos oreilles. C’est de la conscience qu’elle doit estre produite, et non pas de la langue. Ce n’est pas raison qu’on permette qu’vn garçon de boutique parmy ses vains et friuoles pensemens, s’en entretienne et s’en iouë. Ny n’est certes raison de voir tracasser par vne sale, et par vue cuysine, le Sainct liure des sacrez mystères de nostre créance. C’estoyent autrefois mystères, ce sont à présent desduits et esbats.Ce n’est pas en passant, et tumultuairement, qu’il faut manier vn estude si sérieux et vénérable. Ce doit estre vne action destinée, et rassise, à laquelle on doit tousiours adiouster cette préface de nosire office, sursum corda, et y apporter le corps mesme disposé en contenance, qui tesmoigne vne particulière attention et reuerence. Ce n’est pas l’estude de tout le monde : c’est l’estude des personnes qui y sont vouées, que Dieu y appelle. Les meschans, les ignorants s’y empirent. Ce n’est pas vne histoire à compter : c’est vne histoire à reuerer, craindre et adorer. Plaisantes gents, qui pensent l’auoir rendue maniable au peuple, pour l’auoir mise en langage populaire. Ne tient-il qu’aux mots, qu’ils n’entendent tout ce qu’ils trouuent par escrit ? Diray-ie plus ? Pour l’en approcher de ce peu, ils l’en reculent. L’ignorance pure, et remise toute en autruy, estoit bien plus salutaire et plus sçauante, que n’est cette science verbale, et vaine, nourrice de présomption et de témérité.Ie croy aussi que la liberté à chacun de dissiper