Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 1.djvu/662

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religion et conscience. Pelagia et Sophronia, toutes deux canonisées, celle-là se precipita dans la riuiere auec sa mere et ses sœurs, pour euiter la force de quelques soldats et cette-cy se tua aussi pour euiter la force de Maxentius l’Empereur.Il nous sera à l’aduenture honnorable aux siecles aduenir, qu’vn sçauant autheur de ce temps, et notamment Parisien, se met en peine de persuader aux Dames de nostre siecle, de prendre plustost tout autre party, que d’entrer en l’horrible conseil d’vn tel desespoir. Ie suis marry qu’il n’a sceu, pour mesler à ses comptes, le bon mot que i’apprins à Toulouse d’vne femme, passée par les mains de quelques soldats : Dieu soit loué, disoit-elle, qu’au moins vne fois en ma vie, ie m’en suis soulée sans peché. À la verité ces cruautez ne sont pas dignes de la douceur Françoise. Aussi Dieu mercy nostre air s’en voit infiniment purgé depuis ce bon aduertissement. Suffit qu’elles dient Nenny, en le faisant, suyuant la regle du bon Marot.L’Histoire est toute pleine de ceux qui en mille façons ont changé à la mort vne vie peneuse. Lucius Aruntius se tua, pour, disoit-il, fuir et l’aduenir et le passé. Granius Siluanus et Statius Proximus, apres estre pardonnez par Neron, se tuerent : ou pour ne viure de la grace d’vn si meschant homme, ou pour n’estre en peine vne autre fois d’vn second pardon : veu sa facilité aux soupçons et accusations, à l’encontre des gents de bien. Spargapizés fils de la Royne Tomyris, prisonnier de guerre de Cyrus, employa à se tuer la premiere faueur, que Cyrus luy fit de le faire destacher : n’ayant pretendu autre fruit de sa liberté, que de venger sur soy la honte de sa prinse. Bogez gouuerneur en Eione de la part du Roy Xerxes, assiegé par l’armée des Atheniens sous la conduitte de Cimon, refusa la composition de s’en retourner seurement en Asie à tout sa cheuance, impatient de suruiure à la perte de ce que son maistre luy auoit donné en garde : et apres auoir deffendu iusqu’à l’extremité sa ville, n’y restant plus que manger, iecta premierement en la riuiere de Strymon tout l’or, et tout ce dequoy il luy sembla l’ennemy pouuoir faire plus de butin. Et puis ayant ordonné allumer vn grand bucher, et d’esgosiller femmes, enfants, concubines et seruiteurs, les meit dans le feu, et puis soy-mesme.Ninachetuen seigneur Indois, ayant senty le premier vent de la deliberation du vice-Roy Portugais, de le deposseder, sans aucune cause apparante, de la charge qu’il auoit en Malaca, pour la donner au Roy de Campar : print à part soy, cette resolution. Il fit dresser vn eschaffault plus