ni juste ni excusable ?) accommodons leur vie raisonnablement de ce qui est en notre puissance. Pour cela, il ne nous faudrait pas marier si jeunes, que notre âge vienne quasi à se confondre avec le leur ; car cet inconvénient nous jette à plusieurs grandes difficultés ; je dis spécialement à la noblesse, qui est d’une condition oisive, et qui ne vit, comme on dit, que de ses rentes ; car ailleurs, où la vie est questuaire[1], la pluralité et compagnie des enfants, c’est un agencement de ménage, ce sont autant de nouveaux outils et instruments à s’enrichir.
Je me mariai à trente-trois ans, et loue l’opinion de trente-cinq, qu’on dit être d’Aristote. Platon ne veut pas qu’on se marie avant les trente. Thalès y donna les plus vraies bornes, qui, jeune, répondit à sa mère, le pressant de se marier, « qu’il n’était pas temps ; » et, devenu sur l’âge, « qu’il n’était plus temps. » Il faut refuser l’opportunité à toute action importune. En certaine contrée des Indes espagnoles, on ne permettait aux hommes de se marier qu’après quarante ans, et si le permettait-on aux filles à dix ans. Un gentilhomme qui a trente-cinq ans, il n’est pas temps qu’il fasse place à son fils qui en a vingt ; il est lui-même au train de paraître et aux voyages des guerres, et en la cour de son prince ; il a besoin de ses pièces, et en doit certainement faire part, mais telle part qu’il ne s’oublie pas pour autrui. Et à celui-là peut servir justement cette réponse que les pères ont ordinairement en la bouche : « Je ne me veux pas dépouiller devant que de m’aller coucher. »
- ↑ De quæstuarius, mercenaire, qui travaille pour vivre.