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CHAPITRE XXX.

s’étaient et se remettaient selon l’affaire de Bion. Platon et ces exemples veulent condure que nous sommes ramenés à la créance de Dieu, ou par raison ou par force. L’athéisme étant une proposition comme dénaturée et monstrueuse, difficile aussi et malaisée d’établir en l’esprit humain, pour insolent et déréglé qu’il puisse être, il s’en est vu assez, par vanité, et par fierté de concevoir des opinions non vulgaires et réformatrices du monade, en affecter la profession par contenance ; qui, s’ils sont assez fous, ne sont pas assez forts pour l’avoir plantée en leur conscience. Pourtant ils ne laisseront de joindre leurs mains vers le ciel, si vous leur attachez un bon coup d’épée en la poitrine ; et quand la crainte ou la maladie aura abattu et appesanti cette licencieuse ferveur d’humeur volage, ils ne laisseront pas de se revenir et se laisser tout discrètement manier aux créances et exemples publics. Autre chose est un dogme sérieusement digéré ; autre chose ces impressions superficielles, lesquelles, nées de la débauche d’un esprit démanché, vont nageant témérairement et incertainement en la fantaisie. Hommes bien misérables et écervelés, qui tâchent d’être pires qu’ils ne peuvent !

L’erreur du paganisme et l’ignorance de notre sainte vérité laissa tomber cette grande âme de Platon, mais grande d’humaine grandeur seulement, encore en cet autre voisin abus, « que les enfants et les vieillards se trouvent plus susceptibles de religion, » comme si elle naissait et tirait son crédit de notre imbécilité. Le nœud qui devrait attacher notre jugement et notre volonté, qui devrait étreindre et joindre notre âme à notre Créateur, ce devrait être un nœud prenant ses replis et ses forces,