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Page:Montaigne - Essais, Musart, 1847.djvu/43

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CHAPITRE V.

mettent à tirer contre le ciel, d’une vengeance titanienne, pour ranger Dieu à raison à coups de flèches. Or, comme dit cet ancien poète chez Plutarque :

Point ne se faut courroucer aux affaires ;
Il ne leur chaut de toutes nos colères.

Mais nous ne dirons jamais assez d’injures aux dérèglements de notre esprit.


CHAPITRE V.

si le chef d’une place assiégée doit sortir pour parlementer.


Lucius Marcius, légat des Romains en la guerre contre Perséus, roi de Macédoine, voulant gagner le temps qu’il lui fallait encore à mettre en point son armée, sema des entrejets d’accord[1], desquels le roi endormi accorda trêve pour quelques jours, fournissant par ce moyen son ennemi d’opportunité et loisir pour s’armer ; d’où le roi encourut sa dernière ruine. Si est-ce que les vieux du sénat, mémoratifs des mœurs de leurs pères, accusèrent cette pratique comme ennemie de leur style ancien, qui fut, disaient-ils, combattre de vertu, non de finesse, ni par surprises et rencontres de nuit, ni par fuites apostées et recharges inopinées ; n’entreprenant guerre qu’après l’avoir dénoncée, et souvent après avoir assigné l’heure et le lieu de la bataille. De cette conscience, ils renvoyèrent à Pyrrhus son traître médecin, et aux

  1. Ou, comme on a mis dans quelques éditions, interjets, c’est–à-dire, des propositions, des ouvertures.