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CHAPITRE X.

Ni n’entendent les stoïciens que l’âme de leur sage puisse résister aux premières visions et fantaisies qui lui surviennent ; mais comme à une subjection naturelle, consentent qu’il cède au grand bruit du ciel ou d’une ruine, pour exemple, jusqu’à la pâleur et contraction ; ainsi aux autres passions, pourvu que son opinion demeure sauve et entière, et que l’assiette de son discours n’en souffre atteinte ni altération quelconque, et qu’il ne prête nul consentement à son effroi et souffrance. De celui qui n’est pas sage, il en va de même en la première partie, mais tout autrement en la seconde ; car l’impression des passions ne demeure pas en lui superficielle ; mais va pénétrant jusqu’au siége de sa raison, l’infectant et la corrompant ; il juge selon icelles, et s’y conforme.


CHAPITRE X.

un trait de quelques ambassadeurs.


J’observe en mes voyages cette pratique, pour apprendre toujours quelque chose par la communication d’autrui (qui est une des plus belles écoles qui puisse être), de ramener toujours ceux avec qui je confère, aux propos des choses qu’ils savent le mieux ? car il advient le plus souvent, au contraire, que chacun choisit plutôt à discourir du métier d’un autre que du sien, estimant que c’est autant de nouvelle réputation acquise : témoin le reproche qu’Archidamus fit à Periandre, qu’il quittait la gloire de bon médecin pour acquérir celle de mauvais poète. Voyez combien César se déploie largement à