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Page:Montblanc - Le Japon, ses institutions, ses produits, ses relations avec l'Europe, 1867.pdf/36

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Malgré cette faute, le mal n’était pas grand à cause des nombreuses adhésions que rencontrait l’alliance étrangère. Ce premier pas fait, l’essentiel était de rester logique et de poursuivre dans le sens de la démarche accomplie. Les étrangers s’étaient adressés à un prince particulier, au lieu de recourir à la chambre fédérale et directement au Mikado ; la logique leur indiquait donc l’alliance des plus puissants chefs d’États, en provoquant entre ces princes une concurrence de concessions en leur faveur. Cette marche complétait, ainsi, vis-à-vis du Japon, l’action commencée vis-à-vis de Yedo. Les puissances étrangères, en constatant que les traités conclus avaient une entière valeur dans la principauté contractante, pouvaient justifier leur politique et se contenter d’avoir traité avec une autorité locale, à la condition de demander une même alliance aux autres localités.

Le contraire fut fait. Les étrangers s’arrêtèrent au début. Cette seconde faute fut plus grave que la première car cet acte signifie, aux yeux des Japonais, mépris pour leur ordre social, volonté de ne rechercher par la politique d’exclusion qu’un prétexte d’immixtion intérieure, enfin, masque pour couvrir les mêmes prétentions que celles contre lesquelles ils ont eu à lutter en 1638. Devant ces convictions, auxquelles les faits semblent malheureusement donner raison, il n’y a pas lieu de s’étonner de voir quelque défiance entourer les étrangers au Japon, même chez le prince que leur politique favorise à l’exclusion des autres.

Ce dernier résultat est naturel, car le rayonnement de vanité dont nous entourons notre allié, le prince de Kwanto, se traduit à l’intérieur par désaffection et déconsidération. Il se sent dominé par nous ; il voit notre politique le séparer de ses pairs et favoriser, même parmi les vassaux de ses domaines, l’espérance de se rendre indépendants le jour où nous serions disposés à nous montrer ouvertement protecteurs d’un prince japonais contre la nation japonaise. Avouons que, dans ces circonstances, notre protégé n’est pas le plus heureux des princes et qu’il est bien excusable de ne pas trop chérir ses protecteurs. La politique étrangère lui persuadera certainement qu’elle l’élève au-dessus de ses pairs, qu’elle ne veut que son intérêt exclusif, qu’elle travaille pour lui, décide pour lui, même contre lui et pour son bien malgré tous ces avantages, le prince de Kwanto se sent isolé dans son pays et dominé par la politique d’exclusion adoptée par les étrangers. Il en résulte pour le chef de l’État de Kwanto une position très difficile ; son gouvernement indécis et troublé devant le Mikado, devant la puissance de ses pairs, devant l’envahissement de ses propres vassaux, voudrait, contenter les étrangers en conservant la position exclusive que ceux-ci