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JOURNAL DU MARQUIS DE MONTCALM

trop admirer ni louer la régularité qu’il y a dans un vaisseau sur tous les objets. L’immensité de toutes choses qu’on ne croiroit jamais pouvoir y contenir ; cet emplacement appelé arrimage[1] est une partie de la science d’un officier de la marine, soit pour disposer toutes choses à sa place, soit pour la façon de donner le plus de vitesse à son bâtiment par la disposition de la charge ; ce qui n’est pas assujetti à des principes fixes et demande un examen particulier pour chaque bâtiment. Tous ces détails regardent essentiellement le premier lieutenant en pied ; c’est, sur notre frégate, M. le chevalier de Crenay qui s’acquitte on ne peut mieux de cette fonction ; et tous nos officiers sont fort attentifs à leurs services.

Du 9 avril 1756. — Continuation du même temps. Nous avons été obligés de ralentir notre marche pour attendra le Héros, notre frégate étant meilleure voilière. Sur les trois heures nous avons vu un vaisseau que nous avons cru d’abord être en croisière ; il nous a

  1. C’est aussi de l’arrimage que dépend de connoître le lest qu’il faut à chaque bâtiment ; par exemple, notre frégate qui a cinquante tonneaux de lest, quoique le constructeur n’en voulût donner que quarante. Et nous nous sommes aperçus dans le gros temps qu’elle n’en a pas assez, étant par là trop faible de côté, et pouvant s’engager. Du temps du feu Roi, M. de la Boularderie, officier de marine, mort depuis à l’Ile-Royale, commandoit une frégate à la rade de Brest. Il voulut donner une fête à une vingtaine de dames, et à la fin du repas faire manœuvrer la frégate ; il appareilla, oublia qu’elle n’étoit pas encore entièrement lestée ; elle fit capot ; toutes les dames et plusieurs matelots périrent. Cette imprudence le fit renvoyer du service et auroit mérité une punition capitale.