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Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/28

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DE L'ESPRIT DES LOIS.


cité de ses voisins que de celle de ses autres compatriotes. Il ne faut donc pas que les membres du corps législatif soient tirés en général du corps de la nation ; mais il convient que, dans chaque lieu principal, les habitants se choisissent un représentant.

Le grand avantage des représentants, c’est qu’ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple n'y est point du tout propre ; ce qui forme un des grands inconvénients de la démocratie.

Il n’est pas nécessaire que les représentants, qui ont reçu de ceux qui les ont choisis une instruction générale, en reçoivent une particulière sur chaque affaire, comme cela se pratique dans les diètes d’Allemagne. Il est vrai que, de cette manière, la parole des députés seroit plus l’expression de la voix de la nation ; mais cela jetteroit dans des longueurs infinies, rendroit chaque député le maître de tous les autres, et dans les occasions les plus pressantes, toute la force de la nation pourroit être arrêtée par un caprice.

Quand les députés, dit très-bien M. Sidney [1], représentent un corps de peuple, comme en Hollande, ils doivent rendre compte à ceux qui les ont commis : c’est autre chose lorsqu’ils sont députés par des bourgs, comme en Angleterre.

Tous les citoyens, dans les divers districts, doivent avoir droit de donner leur voix pour choisir le représentant ; excepté ceux qui sont dans un tel état de bas-

  1. Algernon Sidaey (1617-1683), républicain exalté, chef de l'opposition contre le duc d'York, illégalement condamné à mort par le tribunal que présidait Jeffries. Montesquieu a visiblement étudié les Discourses concerning the government de Sidney. Ces discours, publiés en 1698, ont été traduits en français, au dernier siècle, par Samson, 3 vol. in-8°.