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REMERCIEMENT SINCÈRE


avec un zèle merveilleux, d’être athées, parce que vous découvrez, dites- vous, dans toute leur philosophie, les principes de la religion naturelle. Rien n’est assurément, monsieur, ni plus charitable ni plus judicieux que de conclure qu’un philosophe ne connoît point de Dieu, de cela même qu’il pose pour principe que Dieu parle au cœur de tous les hommes.

Un honnête homme est le plus bel ouvrage de Dieu, dit le célèbre poète philosophe [1] : vous vous élevez au-dessus de l’honnête homme. Vous confondez ces maximes funestes, que la Divinité est l’auteur et le lien de tous les êtres ; que tous les hommes sont frères ; que Dieu est leur père commun : qu’il ne faut rien innover dans la religion, ne point troubler la paix établie par un monarque sage ; qu’on doit tolérer les sentiments des hommes, ainsi que leurs défauts. Continuez, monsieur, écrasez cet affreux libertinage, qui est au fond la ruine de la société. C’est beaucoup que, par vos Gazettes ecclésiastiques, vous ayez saintement essayé de tourner en ridicule toutes les puissances : et, quoique la grâce d’être plaisant vous ait manqué, volenti et conanti, cependant vous avez le mérite d’avoir fait tous vos efforts pour écrire agréablement des invectives. Vous avez voulu quelquefois réjouir les saints ; mais vous avez souvent essayé d’armer chrétiennement les fidèles les uns contre les autres. Vous prêchez le schisme pour la plus grande gloire de Dieu. Tout cela est très-édifiant ; mais ce n’est point encore assez.

Vous n’avez rien fait qu’à demi, si vous ne parvenez pas à faire brûler les livres de Pope, de Locke et de Bayle,

  1. An honest man’s the noblest work of God.

    (Pope, IV, Epistle on Men.)