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DE L’ESPRIT DES LOIS.


Mépriser des reproches jansénistes ! Oh ! pour le coup, si ce procédé est fort sensé, il est du moins fort impoli. Se justifier sur les uns, passer sous silence les autres, n’est-ce pas une inique partialité ? n’est-ce pas insinuer que les premiers ne méritent que du mépris ou de l’indignation, et que les seconds leur sont communs avec quelques mondains, quelques profanes, dont M. de M... a bien voulu, dans sa Défense, lever les scrupules et éclairer la bonne foi ; et cette insinuation, ces forfanteries ne décèlent-elles point un homme qui veut secouer le joug de toute autorité légitime ; car est-il rien de plus légitime que le droit qu’ont les jansénistes de faire des reproches ! Le saint-père, l’évêque de Sens, les journalistes de Trévoux, le procureur général, le lieutenant de police l'a bien : pourquoi les gazetiers ecclésiastiques ne l’auroient-ils pas ?

M. de M... avoit prié ses lecteurs de ne pas juger par une lecture de quelques minutes, d’un ouvrage de vingt années.

Les gazetiers ne lui ont point accordé cette grâce. Leurs deux premières feuilles annoncent un homme qui a parcouru trois volumes avec une extrême rapidité, et qui en a tiré quelques propositions qui ont eu le malheur de ne pas ressembler à ses préjugés. C’est un voyageur que la vitesse de son cheval empêche de voir distinctement les objets gracieux et frappants dont la nature et l’art ont embelli la campagne ; qui, arrivé dans la capitale, est blessé de tout ce qui né sympathise pas avec ses idées, stupidement étonné de tout ce qu’il devroit admirer, fatigué de tout ce qui porte l’empreinte du nouveau, et qui, de retour dans son pays, n’apporte à ses compatriotes que de faux jugements sur ce qu’il a vu, jugements