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LETTRES FAMILIÈRES.


j’ai parlé de l’établissement des jésuites au Paraguay, et j’ai dit que, quelques mauvaises couleurs qu’on ait voulu y donner, leur conduite à cet égard étoit très-louable ; et les jansénistes ont trouvé très-mauvais que j’aie par là défendu ce qu’ils avoient attaqué, et approuvé la conduite des jésuites : ce qui les a mis de très-mauvaise humeur. D’un autre côté, les jésuites ont trouvé que dans cet endroit même je ne parlois pas d’eux avec assez de respect, et que je les accusois de manquer d’humilité. Ainsi j’ai eu le destin de tous les gens modérés, et je me trouve être comme les gens neutres que le grand Cosme de Médicis comparoit à ceux qui habitent le second étage des maisons, qui sont incommodés par le bruit d’en haut et par la fumée d’en bas. Aussi, dès que mon ouvrage parut, les jésuites l’attaquèrent dans leur Journal de Trévoux et les jansénistes en firent de même dans leurs Nouvelles ecclésiastiques, et quoique le public ne fît que rire des choses peu sensées qu’ils disoient, je ne crus pas devoir en rire moi-même, et je fis imprimer ma Défense que votre Excellence connoit, et que j’ai l’honneur de vous envoyer : et comme les uns et les autres me faisoient à peu près les mêmes impressions, je me suis contenté de répondre aux jansénistes, à un seul article près, qui regarde en particulier le Journal de Trévoux.

Votre Excellence est instruite du succès qu’a eu ma Défense, et qu’il y a eu ici un cri général contre mes adversaires. Je croyois être tranquille, lorsque j’ai appris que les jésuites ont été porter à Vienne les querelles qu’ils se sont faites à Paris, et qu’ils y ont eu le crédit de faire défendre mon livre [1], sachant bien que je n’y étois pas

  1. Ce bruit étoit faux.