Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XVIII.

De la remise des tributs.


LA maxime des grands empires d’orient, de remettre les tributs aux provinces qui ont souffert, devroit bien être portée dans les états monarchiques. Il y en a bien où elle est établie : mais elle accable plus que si elle n’y étoit pas ; parce que le prince n’en levant ni plus ni moins, tout l’état devient solidaire. Pour soulager un village qui paie mal, on charge un autre qui paie mieux ; on ne rétablit point le premier, on détruit le second. Le peuple est désespéré entre la nécessité de payer de peur des exactions, & le danger de payer crainte des surcharges.

Un état bien gouverné doit mettre, pour le premier article de sa dépense, une somme réglée pour les cas fortuits. Il en est du public comme des particuliers, qui se ruinent lorsqu’ils dépensent exactement les revenus de leurs terres.

A l’égard de la solidité entre les habitans du même village, on a dit[1] qu’elle étoit raisonnable, parce qu’on pouvoit supposer un complot frauduleux de leur part : mais où a-t-on pris que, sur des suppositions, il faille établir une chose injuste par elle-même & ruineuse pour l’état ?


  1. Voyez le traité des finances des Romains, chap. II, imprimé à Paris, chez Briasson, 1740.